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Les systèmes à répertoires sont des systèmes
de substitution, où les éléments des tableaux de correspondance, comprenant
des lettres, des syllabes, des mots, des phrases, sont si nombreux qu'il
est impossible de les retenir par coeur ni de les rétablir au bon moment,
et qu'on doit donc en faire des listes écrites. L'ensemble de ces listes
forme ce que l'on appelle (au choix) un code, un répertoire,
un dictionnaire chiffré, ou une table de chiffrement.
Leur défaut évident et irréductible est d'exister à l'état de livre imprimé plus ou moins volumineux, mais sujet à perte, vol ou copie. L'histoire du chef d'état-major d'Osman-Pacha pendant la guerre russo-turque de 1877, parti en tournée d'inspection en emportant le code secret pendant que son malheureux général en chef recevait des dépêches sans pouvoir les traduire, est restée célèbre. Un coup de main heureux d'un PC de bataillon, la fouille d'un officier capturé ou tué, sans parler des codes copiés par des espions en temps de paix, peuvent ramener un code chez l'ennemi, et devenir ainsi inutile. Un code contrevient ainsi au deuxième principe de Kerckhoffs. Par contre, leur avantage est d'être d'un emploi simple et rapide, et peu sujet aux erreurs s'il est utilisé par une personne suffisamment soigneuse. D'autre part, avec l'utilisation de 4 ou 5 symboles (que l'Administration des Télégraphes ne taxait que pour un mot), on peut figurer toute une phrase, beaucoup plus coûteuse à transmettre: d'où le succès de ces codes dans le commerce et la finance, où le secret n'a souvent pas une importance aussi considérable qu'en diplomatie ou aux armées. C'est Antoine Rossignol (1600-1682), grand spécialiste des codes et du décryptement (image ci-contre), qui est considéré comme l'auteur des premiers grands répertoires désordonnés, tel le «Grand Chiffre» de Louis XIV qui résistera plus de deux cents ans au décryptement. En 1803, l'amiral sir Home Popham publie son Telegraphic Signals or Marine Vocabulary, qui permettait aux navires de la marine anglaise de communiquer entre eux avec un système de fanions. Les systèmes à répertoires ont pris une grande importance à partir de 1875, à la suite de l'extension du télégraphe avec ou sans fil. Dans les années 1870 à 1930, on trouvait beaucoup de répertoires dans le commerce, comme le Code télégraphique chiffré de Sittler, le code Nilac, le Telescand Code (1914) pour la France, et à l'étranger le Chiffrier Wörterbuch de Friedmann à Berlin, le Chiffrierbuch de Stern et Steiner (Vienne 1892), le Dizionario per corrispondenze in cifra de Baravelli (Turin, 1896), le Nuovo Cifrario Mengarini (Rome 1898), le Cifrario per la corrispendenza segreta de Cicero (Rome, 1889), le Diccionario Cryptographico (Lisbonne, 1892), le Diccionario para a correspondencia secreta de Vaz Subtil (Lisbonne, 1871), etc. |
Il existe des répertoires à chiffres et d'autres à lettres. L'avantage des codes à lettres est moins leur richesse, surabondante, que la possibilité de n'y choisir, parmi toutes les séquences possibles, que celles qui sont prononçables, admises jusqu'à dix lettres pour le prix d'un mot par le télégraphe, et prêtant moins aux erreurs. Le Bentley's Complete Phrase Code Numbered est un répertoire ordonné qui est à la fois à chiffres et à lettres (au choix de l'utilisateur):
| 06330 | efcoy | Delegated | ||
| 06331 | efcuz | Delegating | ||
| 06332 | efdav | Delegation | ||
| 06333 | efdix | Delete(s) | ||
| 06334 | efdoz | Deleted (from) | ||
| 06335 | efdra | Deleting | ||
| 06336 | efdub | Deletion | ||
| 06337 | efefy | Deliberate | ||
Qu'ils soient à chiffres ou à lettres, les répertoires se divisent en deux catégories: les répertoires ordonnés et les répertoires incohérents.
On distingue deux types principaux de répertoires. Lorsque, dans le tableau de correspondance, les deux listes (mots et représentations) sont ordonnées toutes deux alphabétiquement ou numériquement, on dit que le répertoire est ordonné. Voici un exemple d'une page d'un répertoire à chiffres ordonné :
| ... | ... | |||
| 2007 | cote | 2057 | cours | |
| 2008 | côte | 2058 | au cours | |
| 2009 | côté | 2059 | cours moyen | |
| 2010 | à côté de | 2060 | dernier cours | |
| 2011 | de tous côtés | 2061 | course | |
| 2012 | de côté de | 2062 | court | |
| 2013 | coter | 2063 | courtage | |
| ... | ... |
Dans les répertoires ordonnés, on utilise la même table pour chiffrer et déchiffrer.
Répertoires incohérents
Pour compliquer la tâche des décrypteurs, on peut utiliser un ordre des mots incohérent (ordre non alphabétique). On aura alors besoin de deux tables: une pour chiffrer et une autre pour déchiffrer. De tels répertoires sont dits incohérents (on dit aussi désordonnés ou à bâtons rompus). Voici un exemple de pages d'un répertoire à chiffres incohérent:
| Table chiffrante | Table déchiffrante | |||
| ... | ... | |||
| piège | 4367 | 1020 | madame | |
| pierre | 1025 | 1021 | convoi | |
| pierrerie | 9872 | 1022 | accord | |
| piété | 0013 | 1023 | marne | |
| pile | 1421 | 1024 | heure | |
| pillard | 5718 | 1025 | pierre | |
| piller | 6884 | 1026 | porteur | |
| ... | ... | |||